Les chantiers de construction en seconde vague : quels impacts immédiats ?
Actualité
13 novembre 2020

Les chantiers de construction en seconde vague : quels impacts immédiats ?

 

Contrairement au printemps, dès l’allocution télévisée du Président de la République du 28 octobre dernier, le souhait était clairement exprimé, face à cette seconde vague, de voir les activités liées au bâtiment et aux travaux publics se poursuivre.

Pour autant, les textes adoptés soulèvent encore un certain nombre de questions, invitant à faire le point sur ce qui est certain et sur ce qui l’est moins.

Pour cette seconde vague, c’est au décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, relatif aux mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid 19, qu’il convient de se reporter.

 
• S’agissant des mesures susceptibles de concerner les chantiers de construction, plusieurs solutions sont alors clairement exprimées.

En premier lieu, ce texte ( art. 1) pose comme principe que des mesures d’hygiène définies en annexe 1 du décret et comprenant des mesures de distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes doivent être observées « en tout lieu et en toute circonstance ». La précision conduit ainsi à conforter la limitation de la co-activité, en fonction des différentes configurations des lieux. Au-delà, elle invite aussi à respecter ces mesures lors des périodes de déjeuners et de pauses, ce qui en pratique peut désormais constituer une difficulté en raison de la période hivernale et de la fermeture concomitante des établissements de restauration.

En second lieu en revanche, si au terme du décret, les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public et mettant en présence plus de six personnes sont interdits ( art. 3), ce qui pourrait rendre difficile l’exécution de certaines réunions de chantiers par exemple, qui impliquent parfois de se regrouper depuis la voie publique, le texte pose immédiatement une nuance. L’article 3 prévoit en effet en son « point III » que « ne sont pas soumis » à cette interdiction « les rassemblements, réunions ou activités à caractère professionnel ». L’on en déduira ainsi qu’une réunion de chantier ou une réception, dans le cas au moins où cette réunion s’effectue entre professionnels, se trouve expressément autorisée même si elle implique à un moment un regroupement sur la voie publique.

Eu égard aux déplacements ensuite, on rappellera, en troisième lieu, qu’en vertu de l’article 4 du même décret, un plus grand nombre de motifs dérogatoires de déplacements sont retenus ,dans le cadre de cette seconde vague.

L’article 4 pose ainsi que tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit à l’exception d’une liste de motifs.

Doivent alors être relevés, au titre des autorisations, d’une part, les « déplacements à destination ou en provenance du lieu d’exercice d’une activité professionnelle » et les « déplacements professionnels ne pouvant être différés ». Il en résulte que le déplacement de la résidence au lieu du chantier, comme le déplacement avec hébergement proche d’un chantier où se trouve exercée l’activité professionnelle est admise pour tous les intervenants professionnels. Et il en va de la sorte aussi bien sur des chantiers neufs, que sur des sites occupés. Ainsi, le texte qui vise « le lieu d’exercice de l’activité professionnelle » peut viser un chantier situé chez un particulier ou dans les locaux d’une entreprise, et ceci même si ces locaux font partie des établissements recevant du public qui doivent restés fermés. La fermeture ne vise que la fermeture au public. Ce motif de dérogation permet alors également, à notre sens, à un maitre d’ouvrage, lui-même professionnel, d’assister aux réunions de chantier et surtout de procéder sans difficulté à la réception des travaux.

Finalement, se trouvent également autorisés les déplacements pour « effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle ». Cette dérogation ouvre alors toutes possibilités à chacun des intervenants d’un chantier d’aller chercher des produits de construction et des éléments d’équipements. A ce titre, il doit par ailleurs être relevé que parmi la liste des commerces autorisés à ouvrir figurent les « commerces de détail de matériaux de construction, quincaillerie, peinture et verres en magasins spécialisés », mais aussi les activités de « location et location bail de machines et équipements pour la construction », ainsi finalement que tous les « commerces de gros ».

Le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 apporte de ce fait un certain nombre d’éclaircissements,

 
• Au-delà néanmoins, le décret laisse certaines questions sans réponses tout à fait précises.

Un certain flou se présente notamment eu égard aux déplacements des acquéreurs et maîtres d’ouvrage non professionnels. Des incertitudes paraissent en effet entourer les justificatifs pour les visites de chantiers, la réception de l’ouvrage ou encore pour la prise de livraison.

Effectivement, si l’on adopte une interprétation strictement littérale du texte, ces déplacements ne semblent entrer dans aucune des dérogations prévues. Néanmoins, les interprétations du texte délivrées par les ministères à partir de leurs sites internet s’éloignent de la lettre du texte, pour retenir sans doute une interprétation plus conforme aux objectifs du gouvernement, mais tout en présentant elles-mêmes quelques contradictions.

Ainsi, à lire la lettre du décret en effet, aucun des motifs dérogatoires n’autorise expressément un déplacement pour prendre livraison, assister à une réunion de chantier ou prendre livraison par un non professionnel, dans la mesure où le lieu de réception ou de visite est en général la propriété du non professionnel, mais sans constituer son domicile.

Pourtant, c’est une interprétation contraire qui est délivrée dans la « foire aux questions » présentée sur le site du ministère de l’écologie.

Ainsi, certes, à la question « les visites de logements font elles l’objet d’une dérogation ? », le site précise que « les visites des logements avant location ou vente par les particuliers ne pourront pas avoir lieu. Seules les visites virtuelles seront possibles. Nous vous invitons donc à découvrir les options de visite par vidéo en ligne, qui se multiplient actuellement ».

Néanmoins, à la question, distincte, de savoir s’il est « possible de réaliser les visites de chantiers, les clients, les donneurs d’ordre pour de la construction neuve et pour les chantiers de rénovation ? », la réponse affichée est la suivante « Dans le cas où le maître d'ouvrage d'un chantier (construction ou rénovation) est un particulier sans qu'il s'agisse néanmoins du domicile de celui-ci et où l'avancement du chantier nécessite la constatation in situ par le maître d'ouvrage sans possibilité d'effectuer les vérifications à distance (par exemple, réception des travaux), le particulier est autorisé à se déplacer pour visiter le chantier. Il devra néanmoins se munir d'une convocation formalisée par l’entreprise contractante ou le maître d'œuvre pour la démarche en question. ».

Dès lors, au sens de cette foire aux questions officielle, une convocation par l’entreprise constituerait un motif supplémentaire pour un déplacement hors du domicile ! Une telle convocation ne pouvant être assimilée à une « convocation judiciaire ou administrative », seules expressément visées par le décret, il faudra pourtant que le maitre de l’ouvrage « coche » une autre case. C’est alors, par référence aux réponses apportées pour les déménagements, que d’autres sites évoquent de cocher le déplacement « pour motif familial impérieux ». Pourtant, l’on soulignera que sur le site officiel dédié au Covid 19 par le Gouvernement, le « motif familial impérieux » correspond à «  une situation manifestement nourrie d’urgence ou de gravité qui nécessite se déplacer sans délais pour y répondre . Il peut s’agir par exemple d’un décès ou d’une maladie grave d’un parent proche ». L’on perçoit ainsi que les interprétations retenues par les différents ministères sont plus ou moins compréhensives.

Il serait intéressant pourtant que cette question de la réception, des visites et de la prise de livraison par des non-professionnels, qui impliquent parfois des déplacements éloignés, soit expressément visée par les textes. En effet, la présence des maitres d’ouvrage non-professionnels est nécessaire pour la poursuite des chantiers. Par ailleurs, ces étapes conditionnent, outre le paiement de certaines sommes, le point de départ de délais de garantie et la réalisation des travaux de reprise. Restreindre toute visite, toute prise de possession et toute réception par des non professionnels reviendrait dès lors  inexorablement à freiner l’activité du secteur du bâtiment, ce qui serait complètement contraire à l’esprit du texte du décret du 29 octobre 2020 ! Pour autant, une simple réponse à une foire aux questions, fut-elle publiée sur le site officiel d’un ministère ne forme pas une règle dotée d’une véritable force normative. Aussi un amendement du décret, ou l’adjonction dune annexe officielle indiquant expressément ce que recouvre ou non les dérogations, serait sans doute bienvenu.

 
• L’on soulignera finalement que, suite au décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, le fameux guide OPPBTP vient d’être réactualisé. Il constitue une source déterminante d’informations sur les conduites à tenir.

Au-delà, dans sa forme actuelle, le guide propose des « fiches » listant par exemple les « 10 points à échanger avec un client professionnel » ou « avec un client professionnel ». Il s’agit dès lors d’un outil très riche pour les différents acteurs du secteur. Pour autant, on rappellera que ce guide ne règle pas les questions de répartition des surcouts liés au respect de l’ensemble des mesures ainsi posées, laquelle doit être envisagées entre les parties (cf. sur ce point : G. Durand-Pasquier, S. Duval, B. Gicquel, B. Héritier, X. Delassault, V. Caron,  Quelles conditions pour la reprise des chantiers de construction ? Approche transversale : exigences sociales, risque pénal et aménagements contractuels en marchés privés et publics de travaux, Revue Construction - Urbanisme n° 7-8, Lexis nexis, Juillet 2020, alerte 40).