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Les influenceurs : quelles interventions en faveur des acheteurs publics ?

18 avril 2024

Depuis quelques années maintenant, se sont développées de nouvelles activités : la création de contenus et l’influence commerciale. Ce « marketing d’influence » et ses principaux acteurs, les « influenceurs », n’ont pas échappé à la sphère publique qui a rapidement intégré ses nouveaux prestataires dans sa stratégie de communication.

Puis, la loi n°2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux est intervenue pour encadrer les pratiques du marketing d’influence en France.

Si cette loi règlemente le marketing d’influence et impose notamment la conclusion d’un contrat entre l’influenceur commercial et « l’annonceur » avec des clauses obligatoires, elle n’évoque pas les relations particulières avec les acheteurs publics qui peuvent être des annonceurs. Mais, avait-elle besoin de s’y intéresser ?

Rappelons, tout d’abord, que les acheteurs publics sont soumis au code de la commande publique. Ces acheteurs particuliers sont dénommés, conformément aux dispositions des directives européennes, « pouvoirs adjudicateurs ». Selon les dispositions de l’article L.1211-1 du code de la commande publique, il s’agit de personnes morales de droit public (commune, département, région, communauté de communes, agglomération, établissement public, ministère…) mais également de personnes morales de droit privé créées pour satisfaire des besoins d’intérêt général qui ont un lien marqué avec le monde public (société publique locale, société d’économie mixte, certaines associations…).

Ainsi, par exemple, un office de tourisme (qu’il prenne la forme d’une société publique locale, d’un établissement public ou d’une association) sera soumis au code de la commande publique.

Ensuite, ce code impose auxdits acheteurs des règles qui concernent notamment la conclusion de leurs contrats. En effet, le code prescrit des obligations de publicité et de mise en concurrence en vue de la signature des marchés publics dans l’objectif d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.

Ces règles comprennent trois grands principes : la liberté d’accès (ne pas restreindre l’accès à la commande publique et ne pas favoriser une entreprise locale), l’égalité de traitement des candidats (en leur fournissant les mêmes informations sur le marché à conclure) et la transparence des procédures (par la communication aux candidats de l’ensemble des règles de la procédure et tout particulièrement des critères permettant de départager des propositions concurrentes).

Ainsi, poursuivant notre exemple, un office de tourisme avant de conclure un contrat respecter un formalisme plus ou moins contraignant.

Enfin, un marché public est défini par le code de la commande public comme « un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent » (article L.1111-1).

Il ne fait aucun doute qu’un influenceur ou une agence d’influenceur est un opérateur économique, c’est-à-dire, selon l’article L.1220-1, une « personne physique ou morale […] qui offre sur le marché la réalisation de travaux ou d’ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services ».

Il n’est pas plus contestable qu’un contrat d’influenceur, tel qu’il est prescrit par la loi du 9 juin 2023, est un marché ayant pour objet la réalisation de prestations de services.

Se pose donc pour finir la question de la rémunération de la prestation.

Dans la majorité des cas, les marchés publics donnent lieu au versement par l’acheteur d’une somme d’argent en contrepartie de la réalisation d'une prestation. Toutefois, le caractère onéreux (versement « d’un prix ou de tout équivalent » selon le code de la commande publique) peut également résulter d’un abandon par l’acheteur d’une recette ou d’une possibilité de recette liée à l’exécution du marché.

En effet, la jurisprudence administrative considère que les contrats qui prévoient que les prestations fournies à une personne publique sont rémunérées au moyen de l'abandon par celle-ci de recettes au profit de son cocontractant entrent dans le champ d'application du droit des marchés publics. 

Par exemple, le caractère onéreux a été reconnu pour une convention portant sur la prospection d’annonceurs publicitaires en vue du financement d’un bulletin d’informations municipal (CE, 10 février 2010, n°301116) et pour une convention confiant à un professionnel du spectacle des prestations d’exploitation de la billetterie et de promotion d’un festival de musique moyennant un prix résultant de l’abandon des recettes du festival et du versement d’une somme annuelle (CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Fours-les-Plages, n°342520).

De même, le caractère onéreux d’une prestation peut être constitué par une contre-prestation à laquelle procède l’acheteur en fournissant au cocontractant un avantage susceptible d’une évaluation économique.

Attention : il n’est pas possible d’envisager une rémunération symbolique ou dérisoire pour passer outre cette qualification. D'autant qu’un tel comportement exposerait le ou les contrats à un risque juridique au titre de la concurrence.

Dans notre exemple, si l’office de tourisme invite un influenceur à visiter son territoire en prenant en charge ses frais de déplacement et d’hébergement en contrepartie de la publication d’un contenu faisant la promotion du territoire en retraçant sa visite, il s’agit d’un contrat à caractère onéreux. 

Ainsi, un contrat d’influence commerciale au sens de la loi du 9 juin 2023 sera bien souvent, lorsqu’il est conclu avec un acheteur public, un marché public de prestation de service. Sa conclusion devra donc être précédée d’une procédure de publicité et de mise en concurrence dont les modalités seront déterminées par l’acheteur en fonction, principalement, du montant du contrat.


Acheteurs publics : bien que dans un secteur spécifique et exposé médiatiquement, un influenceur est un prestataire de services comme les autres !

Influenceurs : pas de panique. Les acheteurs publics maîtrisent suffisamment les dispositions du code de la commande publique. Ils veilleront à adapter les modalités d’une procédure de passation au montant du contrat d’influence commerciale sans se soumettre à des contraintes excessives.

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