Promotion de contrefaçons sur les réseaux sociaux : ne soyez pas dupe des « dupes»
Loin de dénoncer une duperie, le hashtag #dupe promeut les imitations sous couvert d’un terme « trendy ».
Les nombreuses vidéos reprenant le hashtag #dupe génèrent plusieurs milliards de vues sur TikTok en présentant des produits (cosmétiques, alimentaires, sacs, vêtements…) ou des services (voyages…) qui ressemblent à des produits de marque ou authentiques,, et qui sont vendus à des prix nettement inférieurs. Le mot dupe est dérivé ici du terme anglais duplicate, signifiant duplicata à savoir une copie ou une imitation.
Le problème : ce terme DUPE regroupe des pratiques multiples dont la plupart s’avèrent illégales.
En effet, le terme DUPE cache aussi des contrefaçons, il est devenu le terme tendance pour contourner l’aspect négatif et interdit de la contrefaçon. Il rappelle, dans le contexte des nouveaux usages du consommateur sur Internet, la pratique classiquement sanctionnée de l’adjonction de termes comme « formule, façon, système, imitation, genre, méthode » à la marque d’un tiers sans son autorisation. Cette démarche consistant à profiter du succès d’une marque a été reprise par les réformes successives, jusqu’à l’actuelle ordonnance du 13 novembre 2019.
Plusieurs cas sont à distinguer :
Sont autorisés :
- Les dupes de fragrances de parfums
Les dupes sont d’abord nés de comparaisons de parfums sur les réseaux sociaux. Dans les rayons d’enseignes bon marché se cachent des dupes de fragrances de luxe. Des influenceurs ont fait la promotion de ces parfums très abordables en indiquant la proximité de leur fragrance avec tel ou tel parfum de grandes maisons. Or, la propriété intellectuelle ne protège pas les fragrances de parfum.
Les limites : les tableaux de concordances et la reprise des éléments protégés par la propriété intellectuelle tels que la marque du parfum, le flacon et le packaging. Au-delà de la PI, d’autres protections peuvent être actionnées telles que la concurrence déloyale ou encore la défense du savoir-faire.
- Les dupes de destination de voyage
Une nouvelle tendance est également apparue avec la promotion de dupes de destination à savoir l’engouement pour des voyages abordables et moins fréquentés que leur version plus chère tout en apportant un dépaysement comparable (Liverpool au lieu de Londres, Palerme au lieu de Lisbonne…). Ces comparaisons ne contreviennent à aucun droit de PI.
Au-delà de ces cas, beaucoup de dupes notamment concernant la cosmétique, la mode, la tech ne sont rien d’autres que des contrefaçons et nous vous proposons ici d’en finir avec certaines idées fausses qui circulent :
« C’est juste une imitation, ce n’est donc pas une contrefaçon »
Rappel utile aux influenceurs et internautes : l’imitation est aussi une contrefaçon !
La contrefaçon peut être définie comme étant la reproduction mais aussi l’imitation d’une marque ou l’utilisation d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire. Il peut s’agir d’une marque, mais aussi d’un modèle, d’un brevet ou d’un droit d’auteur. Le fait que l’acheteur sache qu’il ne s’agit pas du produit authentique n’empêche pas l’infraction. En effet, la bonne foi n’est en aucun cas un motif d’exonération. Il y aura ici une altération de l’image de l’entreprise et souvent un risque pour la sécurité et la santé des consommateurs : les produits dupes/contrefaisants respectent rarement les normes légales et réglementaires.
« La marque n’est pas indiquée sur le produit donc ce n’est pas une contrefaçon »
On est dans un cas de contrefaçon quand on reproduit une marque mais également un design, un motif décoratif, une création originale – le nom ou le logo d’une marque n’est pas le seul élément qui est protégé juridiquement.
En imitant un modèle, par exemple la forme, la taille, les accessoires d’un sac et ce même sans y apposer la marque, le vendeur ou celui qui fait la promotion de ce modèle enfreint les droits de propriété intellectuelle.
C’est bien d’ailleurs parce que le produit promu sur Internet rappelle le modèle authentique, même sans la marque, qu’il a autant de succès !
« Je peux indiquer #dupe attaché au nom d’une marque sans problème »
Le fait d’indiquer qu’un produit est le dupe d’une marque et d’inscrire le nom de la marque authentique, ne serait-ce que dans le hashtag, est une reproduction d’une marque sans l’autorisation de son propriétaire qui constitue un acte de contrefaçon répréhensible.
Les réseaux sociaux ont commencé à réagir à cette tendance, notamment Instagram, qui publie un message de prévention lorsque l’on cherche « dupe + Marque » : « Protect your favorite brands - The sale or promotion of counterfeit goods is not allowed on Instagram . You are searching for terms that may be associated with posts that encourage the sale or promotion of counterfeiting goods”, mais n’empêchent pas pour autant l’accès aux comptes en question …
Certes, la tendance du dupe répond à une attente, en ces temps d’inflation, de rendre accessible l’inaccessible mais cela ne peut se faire en piétinant les droits des créateurs au risque de démonétiser la valeur des marques.
Au-delà de la propriété intellectuelle, cette tendance promeut la fast fashion souvent au détriment de la santé des consommateurs et du respect de l’environnement.
La réglementation des dupes sera abordée en détail lors d’une formation, programmée le 23 avril prochain, dédiée à la collaboration avec les influenceurs (retours d’expérience sur l’application de la loi influenceurs) coanimée par Nadège Lemarchand, Mathilde Ponchel, Juliette Robin-Vernay et Caroline Jouven.
