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Réforme des décisions collectives des associés et actionnaires de sociétés civiles et commerciales

17 juillet 2024

LOI n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Réforme des décisions collectives des associés et actionnaires de sociétés civiles et commerciales

Partie 1 – Assemblées générales de SA et SCA

La loi n°2024-537 du 13 juin 2024 (publiée au JO du 14 juin 2024) visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France apporte plusieurs réformes d’importance au droit des sociétés. 
Plusieurs dispositions concernent les assemblée générales des actionnaires de SA (et par renvoi de SCA) (Partie I, objet de la présente étude) ainsi que les décisions collectives des associés des sociétés civiles, des SNC et des SARL (Partie II – objet d’une prochaine publication) .

1.    Facilitation de la participation aux AG par un moyen de télécommunication (SA non cotées)

Entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard trois mois après la promulgation de la Loi, soit le 14 septembre 2024 (L., Art. 29, II)
Source : L., art. 18. (C. com., Art. L. 225-103-1 et L. 225-107 mod.)

C. com., art. L. 225-103-1 modifié. - L’article L. 225-103-1, consacré à la tenue des assemblées d’actionnaires par un moyen de télécommunication permettant leur identification est profondément remodelé. Ses deux alinéas sont supprimés pour être remplacés par quatre alinéas nouveaux.

Article L. 225-103-1 C. com.
Al. 1 - L'assemblée générale extraordinaire mentionnée à l'article L. 225-96, l'assemblée générale ordinaire mentionnée à l'article L. 225-98 et l'assemblée spéciale mentionnée à l'article L. 225-99 peuvent se tenir par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires.
Al. 2 - Le recours à un moyen de télécommunication pour la tenue de l'assemblée générale ou de l'assemblée spéciale est indiqué dans l'avis de convocation. Sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par des moyens de télécommunication permettant leur identification.
Al. 3 Sans préjudice de l'article L. 225-107, les statuts peuvent prévoir que l'assemblée générale extraordinaire mentionnée à l'article L. 225-96, l'assemblée générale ordinaire mentionnée à l'article L. 225-98 et l'assemblée spéciale mentionnée à l'article L. 225-99 sont tenues exclusivement par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires.
Al. 4 - Toutefois, pour l'assemblée générale extraordinaire mentionnée à l'article L. 225-96, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 25 % du capital social peuvent s'opposer à ce qu'il soit recouru exclusivement aux modalités de participation à l'assemblée prévues aux trois premiers alinéas du présent article.
Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat.

Simplification formelle : suppression de la référence à la visioconférence au profit de la seule référence aux « moyens de télécommunication ». - On remarquera qu’il n’est plus fait référence à la visioconférence mais uniquement aux « moyens de télécommunication ». La modification est purement formelle : le législateur n’entend évidemment pas  interdire à l’avenir la tenue d’assemblées par visioconférence. 

Il faut seulement comprendre, ce qui est parfaitement conforme au sens de l’expression, que le législateur entend désormais inclure la visioconférence dans l’expression « moyens de télécommunication ». 

Premier alinéa : assemblées hybrides. - L’alinéa 1er dispose que « l'assemblée générale extraordinaire mentionnée à l'article L. 225-96, l'assemblée générale ordinaire mentionnée à l'article L. 225-98 et l'assemblée spéciale mentionnée à l'article L. 225-99 peuvent se tenir par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires ». 

Ce premier alinéa, par contraste avec l’alinéa 3 qui prévoit la tenue des assemblées « exclusivement » par voie de télécommunication, vise sans le dire expressément les assemblées hybrides, c’est-à-dire celles tenues en présentiel, mais offrant la possibilité aux actionnaires d’y participer en distanciel, « par un moyen de télécommunication » (visioconférence, téléphone…).

Trois nouveautés ressortent :

  • Première nouveauté : extension aux assemblées spécialesCe sont désormais non pas seulement l’AGE et AGO, mais également, ce qui n’était pas possible auparavant, l’assemblée spéciale (des titulaires d’une catégorie d’actions), qui peuvent se tenir par un moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires.
     
  • Deuxième nouveauté : suppression de l’exigence d’une prévision statutaire.
    L’hybridation n’a plus à être prévue par les statuts de la société anonyme, tandis que  l’article L. 225-107, II, désormais abrogé , conditionnait cette faculté à l’existence d’une stipulation expresse des statuts .
     
  • Troisième nouveauté : droit d’ordre public des actionnaires à participer à l’assemblée par un moyen de télécommunication. - Enfin, le caractère impératif du nouvel alinéa (« peuvent se tenir ») semble interdire toute clause contraire des statuts, ou encore du règlement intérieur   tandis que l’emploi du verbe pouvoir tout comme l’indication dans l'avis de convocation du recours à un moyen de télécommunication pour la tenue de l'assemblée générale  offrent opportunément la faculté à l’organe de convocation (conseil d’administration ou directoire), selon les circonstances (utilité, contraintes, coût…),  de recourir ou non à l’hybridation.

Deuxième alinéa : Régime de la participation par un moyen de télécommunication. - L’alinéa 2 fixe le régime de la tenue de l’assemblée par recours à un moyen de télécommunication, que ce soit de manière exclusive (al. 3) voire seulement selon nous en hybridation avec la tenue de l’AG en présentiel (al. 1er). Dans tous les cas donc, le recours à un moyen de télécommunication « est [doit être] indiqué dans l’avis de convocation ». Il nous semble nécessaire d’indiquer à cette occasion si l’usage fait de ce moyen l’est à titre complémentaire (hybridation) ou exclusif, dans la mesure où, dans ce dernier cas, la participation à distance n’est plus pour l’actionnaire une simple faculté mais une obligation et donc une véritable contrainte. La dernière phrase de l’alinéa 2 reprend la précision portée jusqu’ici par l’article L. 225-107, II abrogé, et sans laquelle la participation par des moyens de télécommunication serait dépourvue d’efficacité : « sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par des moyens de télécommunication permettant leur identification ».

Troisième alinéa : extension aux assemblées spéciales d’actionnaires de la tenue exclusivement par un moyen de télécommunication. - L’alinéa 3 pose que « sans préjudice de l’article L. 225-107, les statuts peuvent prévoir que l'assemblée générale extraordinaire mentionnée à l'article L. 225-96, l'assemblée générale ordinaire mentionnée à l'article L. 225-98 et l'assemblée spéciale mentionnée à l'article L. 225-99 [toutes les assemblées d’actionnaires donc, générales ou spéciales] sont tenues exclusivement par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires ». Le texte étend aux assemblées spéciales le dispositif institué pour les assemblées générales d’actionnaires  par l’ordonnance n°2017-747 du 4 mai 2017 (au sein de l’art. L. 225-103-1 créé à cet effet), autorisant les sociétés non cotées (l’art. L. 22-10-38 du code de commerce continuant de l’interdire aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ) à tenir si elles le souhaitent (ce n’est qu’une faculté) des assemblées entièrement dématérialisées. La nouvelle rédaction laisse subsister deux protections dont continueront de bénéficier les actionnaires susceptibles d’être lésés par la dématérialisation : 

  • La première protection reste intacte : c’est le fait que la dématérialisation intégrale de l’assemblée se fait « sans préjudice de l’article L. 225-107 » du code de commerce, ce qui ouvre le droit à tout actionnaire confronté à une assemblée dématérialisée de recourir au vote par correspondance. Nul ne peut ainsi être privé de son droit sacré de participer aux décisions collectives (C. civ., art. 1844) du seul fait qu’il habiterait dans un désert numérique ou encore ne disposerait pas du matériel requis pour la connexion.
     
  • La seconde protection tient en un droit d’opposition à la dématérialisation intégrale des assemblées générales extraordinaires  , reconnu dès l’origine aux actionnaires représentant au moins 5% du capital social. Ce droit d’opposition est maintenu, mais l’alinéa 4 (ancien alinéa 2) en complique singulièrement l’accès en rehaussant le seuil de 5 à 25% du capital social, ainsi que nous allons maintenant le détailler.

Quatrième alinéa : rehaussement de 5 à 25% du capital social du seuil d’opposition à la dématérialisation intégrale de l’AGE. - L’alinéa 4 dispose en effet dans le sillage de l’alinéa 3 : « Toutefois, pour l'assemblée générale extraordinaire mentionnée à l'article L. 225-96, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 25 % du capital social peuvent s'opposer à ce qu'il soit recouru exclusivement aux modalités de participation à l'assemblée prévues aux trois premiers alinéas du présent article ». En portant de 5 à 25% du capital social le droit d’opposition des actionnaires, le législateur réduit considérablement son domaine. 

  • C’est cependant la seule modification portée au dispositif d’opposition dont la nouvelle rédaction est par ailleurs très maladroite. Ainsi, le renvoi au recours exclusif aux modalités de participation à l’assemblée « prévues aux trois premiers alinéas du présent article » n’a pas de sens. Les trois alinéas concernent tous en effet la dématérialisation de l’assemblée, et parmi eux le troisième, auquel il aurait donc dû être seul renvoyé, correspond précisément à l’hypothèse de la dématérialisation intégrale de l’assemblée contre laquelle un droit d’opposition est ouvert.
     
  • Il est donc probable que les modalités du droit d’opposition, issues du décret n°2018-146 du 28 février 2018  (insérant dans le code de commerce les art. R. 225-61-1 à R. 225-61-3) resteront inchangées (l’ancien alinéa 3 de l’article L. 225-103-1, devenu alinéa 5, est resté inchangé : « Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat »), seul étant nécessaire un léger toilettage pour actualiser des renvois aux alinéas devenus inexacts.

Les statuts devront ainsi continuer de préciser si le droit d’opposition « s’exerce avant ou après les formalités de convocation » (C. com., art. R. 225-61-1). Pour rappel, il n’a pas encore été accédé à la demande formulée par le MEDEF, l’AFEP et l’ANSA , d’accélérer le recours au tout électronique en permettant la convocation par la voie électronique des actionnaires inscrits au nominatif, sauf objection de leur part. Continue ainsi de prévaloir la règle inverse, à savoir la convocation de principe par envoi postal, et la nécessité d’une autorisation préalable de l’actionnaire à sa convocation par voie électronique, avec possibilité de demander un retour à un envoi postal trente-cinq jours au moins avant la date de l’insertion de l’avis de convocation  (C. com., art. R. 225-63).


2.    Précision du régime de contestation judiciaire d’inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée (SA)

Entrée en vigueur : le 15 juin 2024
Source : L., art. 19. (C. com., Art. L. 225-105, al. 2)

Refus d’inscription à l'ordre du jour de points ou de projets requis par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ou une association d'actionnaires. – L’article L. 225-105 alinéa 2 du code de commerce prévoit qu’un ou plusieurs actionnaires de société anonyme représentant au moins 5% du capital ou une association d’actionnaires répondant à certaines conditions ont la faculté de requérir l’inscription  à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution. Avec effet immédiat, l’article 19 de la loi enrichit ce texte de la précision selon laquelle « en cas de contestation du refus d'inscription de ces points ou de ces projets de résolution, le tribunal de commerce compétent statue selon la procédure accélérée au fond ».

La procédure accélérée au fond, qui ne peut être utilisée que si la loi ou le règlement le prévoit expressément, a pour objet d’accélérer le traitement du dossier par le tribunal. Elle est organisée par l'article 481-1 du code de procédure civile. Notons qu’elle ne doit pas être confondue avec une procédure en référé qui ne donne lieu qu’à une décision provisoire du président du tribunal.


3.    Retransmission en direct et enregistrement consultables obligatoires des assemblées générales de sociétés cotées

Entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard trois mois après la promulgation de la Loi, soit le 14 septembre 2024 (L., Art. 29, II)
Source : L., art. 18. (C. com., Art. L. 22-10-38-1 nouv.)

Obligation pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé de retransmettre en direct et d’enregistrer leurs assemblées générales aux fins de consultation -  Un tout nouvel article L. 22-10-38-1 du code de commerce met à la charge des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé une nouvelle obligation de transparence au profit des investisseurs :

  • Ces dernières devront en effet, « assure[r] la retransmission en direct de l'assemblée, à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission. 
     
  • Elles [devront] s’assure[r] également que l’enregistrement de l'assemblée puisse être consulté et indique[ro]nt, le cas échéant, si cet enregistrement porte sur l’intégralité de celle-ci ». Le dernier alinéa du nouveau texte prévoit qu’ « un décret en Conseil d’État précise les modalités de retransmission, d’enregistrement et de consultation ».

Accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (Dossier législatif en version repliée) - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr) 

LOI n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, JO du 14 juin 2024
 

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