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Réforme des décisions collectives des associés et actionnaires de sociétés civiles et commerciales

24 juillet 2024

LOI n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Réforme des décisions collectives des associés et actionnaires de sociétés civiles et commerciales

Partie 2 – Décisions des associés de sociétés civiles, de SNC et de SARL

La loi n°2024-537 du 13 juin 2024 (publiée au JO du 14 juin 2024) visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France apporte plusieurs réformes d’importance au droit des sociétés. 

Nous avons évoqué les modifications apportées aux AG de SA dans notre publication précédente (cf. Partie I). Plusieurs assouplissements sont également intervenus s’agissant des décisions collectives des associés des sociétés civiles, des SNC et des SARL (Partie II – objet de la présente publication).

1.    Possibilité d’approuver les comptes d’une SARL par consultation écrite ou acte unanime des associés

Entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard trois mois après la promulgation de la Loi, soit le 14 septembre 2024 (L., Art. 29, II)
Source : L., art. 18, II, 2° (C. com., Art. L. 223-27 al . 1er mod.)

Fin de l’approbation obligatoire des comptes de SARL par voie d’AG. – Jusqu’alors, l’article L. 223-27 al. 1er du code de commerce n’autorisait pas les associés de SARL à statuer sur l’approbation des comptes hors assemblée générale, par voie de consultation écrite ou par acte unanime des associés. Ce texte n’autorisait en effet les statuts à prévoir le recours à ce mode décisionnel allégé que pour toutes les décisions ou certaines d’entre elles « à l’exception de celles prévues au premier alinéa de l’article L. 223-26 [obligation de soumettre à approbation des associés le rapport de gestion, l’inventaire et les comptes annuels]». 
Cette restriction est purement et simplement abrogée, de sorte que toutes les décisions, en ce comprise l’approbation des comptes, pourront être prises par voie de consultation écrite ou par acte électronique si les statuts le prévoient.


2.    Validation expresse de la consultation écrite « par voie électronique » (sociétés civiles, SNC et SARL)

Entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard trois mois après la promulgation de la Loi, soit le 14 septembre 2024 (L., Art. 29, II)
Source : L., art. 18. (C. civ., Art. 1853 mod. pour la société civile ; C. com., Art. L. 221-6, al. 2 mod. pour la SNC ; L. 223-27 al . 1er mod. pour la SARL)

2.1    Présentation du nouveau dispositif

Apport concret du nouveau dispositif. - La loi autorise les statuts à prévoir la prise de décision des associés par voie de consultation par message électronique dans les sociétés où les statuts pouvaient déjà l’autoriser autrement que par voie électronique : sociétés civiles, SNC  et SARL.  

Rappel : admission de la consultation écrite dans les seules sociétés civiles, SNC et SARL. - Le procédé de la consultation écrite permet de recueillir le vote de tous les associés, en ce compris ceux dont l'éloignement rend difficile la participation aux réunions. En revanche, comparativement à l'assemblée, la consultation écrite présente l'inconvénient de ne pas donner lieu à un échange de vues entre les associés au moment où ils doivent statuer sur les résolutions qui leur sont proposées. Il fait en somme abstraction du procédé délibératif, conduisant davantage à une juxtaposition de décisions isolées qu'à l'expression d'une volonté « globale » des associés. C’est pourquoi, hors le cas de la SAS où les statuts ont une totale liberté de prévoir ce mode de prise de décision collective des associés, la consultation écrite n’est un procédé admis par la loi que dans de rares sociétés (sociétés civiles, SNC et SARL) et sous la condition d’avoir été prévue par les statuts.

Validité discutée de la consultation écrite électronique et réforme réalisée. - Jusqu’alors, même dans ces sociétés, il n’était pas certain que la consultation pouvait avoir lieu par voie électronique. Les textes de loi sont tous modifiés afin de clarifier ce point dans le sens de l’autorisation, pour peu que les statuts le prévoient expressément, « selon les délais et conditions qu’ils définissent ».

Pour les sociétés civiles et SNC. - L’article 1853 du Code civil (société civile) et l’article L. 221-6, al. 2 du code de commerce qui prévoient que « Les statuts peuvent […] prévoir » que les décisions sont prises « par voie de consultation écrite » (l’un des associés pouvant cependant exiger la tenue d’une réunion d’assemblée dans la SNC), sont tous deux complétés de la précision finale suivante : « , y compris par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent ».
Pour les SARL. – La réforme réalisée a la même portée que dans la société civile et la SNC concernant la consultation écrite, mais elle englobe également par sa formulation la prise décision par acte unanime des associés, ainsi que nous le développons ci-après. En effet, l’article L. 223-27 du code de commerce se contentait jusqu’alors de poser en son premier alinéa : « Les décisions sont prises en assemblée. Toutefois, les statuts peuvent stipuler que toutes les décisions ou certaines d'entre elles peuvent être prises par consultation écrite des associés ou pourront résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte ». Cette dernière phrase est complétée par la formulation finale suivante : « , y compris, dans ces cas, par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent ».

2.2    Institution et régime du nouveau dispositif 

Institution : nécessité de modifier les statuts. – Dans les sociétés civiles, SNC et SARL, la consultation écrite des associés par voie électronique est désormais possible, mais uniquement si les statuts le prévoient. Il est donc nécessaire que les sociétés civiles, SNC ou encore SARL souhaitant pouvoir y recourir à l’avenir, modifient leurs statuts en ce sens, dès lors qu’ils ne prévoiraient pas la consultation écrite ou, ce qui sera en pratique le plus fréquent, autoriseraient la prise de décision par voie de consultation écrite des associés, sans formuler expressément que ce peut être « y compris par voie électronique ».

Régime. – Quant au régime de la consultation par voie électronique, il semble abandonné aux statuts, les textes précisant en toutes hypothèses que la consultation écrite par voie électronique aura lieu « selon les délais et les modalités qu[e] les statuts définissent ». Cette formulation pose question.

Difficulté d’articulation avec le régime de la consultation non électronique. - La première difficulté vient de ce que ce membre de phrase ne vise à chaque fois que la consultation écrite par voie électronique, et non la consultation écrite en général, et donc la consultation écrite non électronique. La deuxième difficulté vient de ce que, hors la SNC pour laquelle le code de commerce ne donne aucune précision quant au régime de la consultation, des articles de décrets fixaient déjà et continuent de fixer les conditions et modalités de la consultation écrite :

  • Pour les sociétés civiles : l’article 42 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 prévoit : « En cas de consultation écrite, le texte des résolutions proposées ainsi que les documents nécessaires à l'information des associés sont adressés à chacun de ceux-ci par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Chaque associé dispose d’un délai d’au moins quinze jours à compter de la date de réception de ces documents pour émettre son vote par écrit. Les statuts fixent le délai au-delà duquel les votes ne seront plus reçus ». 
     
  • Pour les SARL : l’article R. 223-22 du code de commerce dispose : « En cas de consultation écrite, le texte des résolutions proposées ainsi que les documents nécessaires à l'information des associés sont adressés à chacun de ceux-ci par lettre recommandée [al. 1]. Les associés disposent d'un délai minimal de quinze jours, à compter de la date de réception des projets de résolution, pour émettre leur vote par écrit [al. 2] ». L’article R. 223-24 du même code dispose par ailleurs : « En cas de consultation écrite, il en est fait mention dans le procès-verbal, auquel est annexée la réponse de chaque associé ». 

Articulation effective du régime de la consultation électronique avec celui de la consultation non électronique. - Il est difficile de savoir si le législateur a voulu instituer deux régimes bien distincts de la consultation écrite : d’un côté, la consultation non électronique qui serait régie par l’article 42 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 ou les articles R. 223-22 et R. 223-24 du code de commerce et ainsi par les exigences du délai minimal de 15 jours et du recommandé ; d’un autre côté, la consultation électronique qui serait régie par l’exigence de délais et modalités définis dans les statuts. Les exigences posées par le décret s’appliquent-elles à toutes les consultations d’associés de sociétés civiles et de SARL, en ce comprises celles réalisées par voie électronique ? 

Les textes précités ne distinguent certes pas (il n’y aurait donc pas lieu de distinguer) ; cependant ils sont antérieurs à l’introduction en droit français du recours à la voie électronique. Par prudence, dans la mesure où ils relèvent d’un ordre public de protection dont l’associé consulté électroniquement ne saurait être privé par les statuts, il nous semble de bonne pratique de considérer que la consultation par voie électronique requiert en tous les cas : un envoi des résolutions et documents par lettre recommandée (logiquement, par voie électronique), nécessairement avec accusé de réception dans les sociétés civiles ; un délai de réponse de quinze jours au moins. En définitive, la référence aux délais et modalités définis dans les statuts pourra selon les cas être conçue :

  • Soit comme une pure formalité, les statuts pouvant reprendre les dispositions décrétales précitées ou simplement y renvoyer formellement ;
  • Soit comme le moyen de renforcer les exigences décrétales (les statuts pourraient imposer un délai de consultation minimal de 20 jours au lieu de 15 par exemple) ou encore apporter des précisions utiles. Ainsi les statuts pourraient-ils préciser, pour les consultations écrites effectuées par voie électronique, les modalités pratiques de retour de la réponse à consultation écrite ; 
  • Soit enfin comme une lourdeur inutile : les statuts pourraient rester silencieux et se contenter d’autoriser la consultation écrite sans définir ses délais et modalités, auquel cas ces délais et modalités seraient implicitement et nécessairement ceux fixés par l’article 42 du décret n°78-704 ou par les articles R. 223-22 et R. 223-24 du code de commerce, sans que l’on puisse en tirer de conclusions autres, notamment quant à la validité de la clause et de la consultation mise en œuvre sur son fondement. 

3.    Validation expresse de la prise de décision dans un acte conclu par tous les associés de SARL « par voie électronique »

Entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard trois mois après la promulgation de la Loi, soit le 14 septembre 2024 (L., Art. 29, II)
Source : L., art. 18. (C. com., Art. L. 223-27 al . 1er mod.)

3.1    Présentation du nouveau dispositif

Rappel. - On sait que dans les SARL il était déjà possible, de même que dans les sociétés civiles (C. civ., art. 1854) voire dans les SNC (en l’absence cependant de texte exprès ; v. ci-après), que la décision résulte du « consentement de tous les associés exprimé dans un acte » (C. com., art. L. 223-27, al. 1er). 

Précision apportée par la loi. - On remarquera une spécificité propre aux SARL : la formulation « dans ces cas » autorise la consultation électronique comme pour les sociétés civiles et le SNC, mais entend également autoriser que la décision puisse résulter (pour peu toujours que les statuts le prévoient) du « consentement de tous les associés exprimé dans un acte » « y compris dans ces cas [étant également visée l’hypothèse exposée ci-avant de la décision par voie de consultation] par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent ». 

3.2    Portée du nouveau dispositif
Sort commun de la disposition légale nouvelle. - L’application de la formule à deux modes de décisions ne tient pas selon nous au sort particulier que le législateur aurait voulu réserver à la SARL, mais plutôt au fait que, dans la SARL ces deux modes prennent place au sein du même article, ce qui n’est pas le cas dans les autres formes sociales (société civile : art. 1853 du Code civil pour la consultation écrite et art. 1854 du Code civil pour l’acte unanime). Cette remarque éclaire considérablement la portée de la nouvelle formulation légale. 

Portée de la formulation : « selon les délais et modalités [que les statuts] définissent ». - L’ajout dans la loi de la formule « selon les délais et les modalités [que les statuts] définissent », semble adaptée à l’hypothèse de la décision par voie de consultation, mais elle l’est beaucoup moins à celle de l’acte conclu par tous les associés, même « par voie électronique ». L’acte unanime semble difficilement concorder avec les exigences de « délais » et « modalités » que viendraient poser les statuts. 

Portée de la formulation : « y compris par voie électronique ». - L’ajout dans la loi des mots « y compris par voie électronique », que l’on peut expliquer par la volonté du législateur d’assurer à tous les niveaux l’efficacité du numérique, ne devrait rien changer en pratique. Dès lors que la loi admettait déjà que le consentement des associés pût résulter du « consentement de tous les associés exprimé dans un acte », il nous semble que la formulation incluait déjà la forme électronique. Il n’y a pas lieu en effet de distinguer là où la loi ne distingue pas, d’autant que le Code civil pose une équivalence entre l’écrit électronique et l’écrit sur support papier (C. civ., art. 1366 : « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité »). De cette première observation il résulte selon nous que :

  • Les statuts prévoyant déjà, ou qui prévoiraient à l’avenir, que la décision des associés peut résulter du « consentement de tous les associés exprimé dans un acte », sans qu’y figure expressément la formule « y compris par voie électronique », visent implicitement et nécessairement l’acte électronique autant que l’acte sur support papier. Il ne sera donc pas nécessaire selon nous de mettre à jour les statuts préexistants qui ne viseraient pas expressément l’acte électronique. Pour les clauses rédigées ultérieurement la formule enrichie pourra être retenue si l’on considère qu’excès de précaution ne nuit pas.
     
  • Dans les autres sociétés accessibles à la prise de décision par acte constatant le consentement de tous les associés, il ne nous semble pas faire de doute, alors même que la loi n’a pas été modifiée en ce sens, que l’acte en question puisse être aussi bien signé sur support papier que par voie électronique. L’équivalence entre les deux supports plaide en ce sens. S’y ajoute le fait que dans les sociétés civiles et les SNC, ce mode de décision est plus ouvert puisqu’il n’a pas, à l’inverse de ce qui a toujours prévalu dans les SARL, à être prévu expressément dans les statuts. Cela est particulièrement avéré dans les sociétés civiles, où l’article 1854 du code civil prévoit expressément, sans autre exigence, que « Les décisions peuvent encore résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte ». Cela devrait également se vérifier dans les SNC car, malgré le silence du code de commerce, les décisions autres que l’approbation annuelle des comptes semblent, sans support statutaire, pouvoir à notre avis être prises par acte constatant le consentement de tous les associés .

4.    Ouverture du vote par correspondance aux associés de SARL

Entrée en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard trois mois après la promulgation de la Loi, soit le 14 septembre 2024 (L., Art. 29, II)
Source : L., art. 18. (C. com., Art. L. 223-27 al . 1er mod.)

Nouveau dispositif. - Le vote par correspondance est un moyen de voter à distance (tout comme le vote à distance par voie électronique, dont il se distingue) en assemblée. Pour les seules SARL, l’article L. 223-27 al. 1er est également enrichi d’une ultime phrase  : « Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d'un formulaire dont les mentions sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

Portée du nouveau dispositif. - Jusqu’alors, il était admis qu’en l’absence de dispositions analogues à celles prévues pour les SA, les associés de SARL ne pouvaient pas voter par anticipation par correspondance à leurs assemblées . Pour rappel, dans les sociétés anonymes, non seulement « tout actionnaire peut voter par correspondance [quelle que soit la nature (ordinaire, extraordinaire ou spéciale) de l’assemblée], au moyen d’un formulaire dont les mentions sont fixées par décret en Conseil d’État [mais plus encore] les dispositions contraires des statuts sont réputées non écrites » (C. com., art. L. 225-107-I).  


Accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (Dossier législatif en version repliée) - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr) 

LOI n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, JO du 14 juin 2024

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